St. Vincent nous avait conquis l’an passé avec son opus Masseduction. À la fois fort en personnalité, en couleurs et en musique, il s’était forgé une place de choix dans nos bibliothèques. Aujourd’hui, l’artiste publie une version revisitée de son opus, MassEducation. Que vaut-il ?
Masseduction, la barre est mise haut
Force est de reconnaître que St. Vincent est une artiste plurielle. En effet, après avoir publié son premier opus Masseduction, elle avait prolongé son aspect graphique avec des clips visuellement intéressants, riches en détails et aux lectures multiples. Elle avait par ailleurs il y a quelques mois révélé une version retravaillée de son titre Slow Disco, intitulé Fast Slow Disco. Mais aujourd’hui, c’est sans artifice qu’elle décide de se révéler. Elle propose ainsi une version nouvelle de sa musique, que l’on pouvait parfois trouver enfouie sous plusieurs couches d’effets vocaux et sonores. Une poésie à qui elle ferait la part belle ?
La production de Masseduction semble en effet avoir été conçue pour s’ancrer dans un registre pop. Ainsi, soutenue par plusieurs instruments, chœurs, et par une spatialisation sonore au centre de laquelle se trouverait la voix d’Annie Clark. La qualité de l’opus, de la production mais surtout de la voix de l’artiste sont aujourd’hui encore indéniables. L’album, quant à lui, n’a pas vieilli, son style étant si particulier et différent des vagues pop/rock que l’on peut observer sur le marché. La barre était haute.
Masseducation, la nouvelle version
Je dois admettre ne pas suivre de manière assidue l’actualité d’Annie Clark. Mais la publication de son nouveau titre Slow Slow Disco m’a fait sourire. J’étais donc curieux de savoir ce que nous réserverait ce nouvel opus. Certains artistes réussissent avec brio à donner un second souffle à certains morceaux, et profitent de concerts pour retravailler leurs œuvres. C’est donc avec une oreille curieuse et bienveillante que je lance la lecture de cet album, qui durera 45 minutes, avec pour seuls compagnons Annie Clark et son pianiste Thomas Bartlett.
On retrouve donc la voix délicate, légère, mais par moments puissante de St. Vincent. C’est donc sur Slow Disco, renommé ainsi pour l’occasion, que l’album s’ouvre. Une entrée en la matière savoureuse, suivie de Savior, beaucoup plus cru dans son imagerie. J’avoue être surpris, et me retrouve à émettre une réserve. Les envolées lyriques de la chanteuse sont absolument superbes, sa voix virevolte allégrement dans les aigus. Le travail est pur. Sa voix résonne, forte et assurée, tandis que le piano soutient avec justesse ces vocalises d’ange.
Des textes parfois inadaptés
Comme je le mentionnais plus haut, les textes sont inchangés par rapport à la version originelle de Masseduction. Quand vient le morceau éponyme, je suis toujours mitigé. Les prestations musicales et vocales s’inscrivent parfaitement dans cette volonté de livrer une version épurée de tout artifice, et je commence un véritable travail de remise en question. Serais-je involontairement fermé d’esprit ? Les refrains laissent supposer qu’ils ont été, à juste titre, pensés pour une production pop, avec des mots répétés à l’envi, et qui peuvent parfois ressembler à un cheveu dans la soupe.
Je tiens néanmoins à souligner l’exceptionnel travail que font les deux artistes, tant Thomas Bartlett qu’Annie Clark sur cet album. Le piano est incroyable. Sugarboy me conquiert entièrement, et je me laisse à rêvasser d’une performance live de cette version de la chanson. St. Vincent arrive ainsi à souffler un vent véritablement nouveau sur le morceau, pour mon plus grand plaisir, tandis que le refrain aurait, selon moi, pu être supprimé pour laisser le piano s’exprimer seul.
Un plaisir auditif rarement égalé
Dans la lignée même du précédent morceau, Fear The Future est un véritable coup de cœur. J’ai en effet rejoué le morceau plusieurs fois de suite avant de ma laisser convaincre d’écouter la suite. De la spatialisation à la voix d’Annie, en passant par ses envolées, et le piano, le morceau ne dure que bien trop peu. Smoking Section, sur lequel l’artiste avait fait preuve d’inventivité, et jouait avec sa voix, me conquiert également, bien que différant au final bien légèrement de ce qu’elle avait livré sur son opus originel.
Los Ageless suit ainsi, et fait partie de mes titres favoris de St. Vincent, tous albums confondus. C’est donc avec une grande attente que je lance la piste. Et que fut agréable le résultat. Au-delà de toute attente, je suis surpris de la nouvelle tournure que prend la chanson, soutenue par une force vocale inattendue, et une harmonie parfaite entre les deux artistes. New-York joint également la liste, et permet d’adopter un regard neuf sur ce morceau, toujours aussi tendre.
Une performance d’équilibriste
Cet album était aussi pour l’artiste l’exploration des genres, autour de matériaux qui évoluent. Ainsi, Young Lover regagne ici toute sa sensibilité due. St. Vincent parvient ainsi à rendre toute la poésie à un morceau qui, dans sa version commerciale, perdait de son impact lyrique au profit de la musique qui l’entourait. Quant à Happy Birthday Johnny, elle ne semble pas bouger d’un iota. La chanteuse se produisait en live sans autre renfort que sa voix. Elle est ici soutenue par un piano qui rend hommage à ses talents.
Pills semble malheureusement rejoindre le morceau Masseduction, avec des textes parfois trop répétitifs, qui s’ancrent autrement bien dans un registre pop. La volonté d’Annie est cependant honorable. Et elle mérite amplement d’être louée pour cette tentative de réussir un numéro d’équilibriste. Heureusement, les performances vocales et musicales rattrapent admirablement bien le tout.
Hang On Me englobe, quant à lui, toute la beauté de cette tentative, et balaye d’un revers de main toutes les idées que l’on aurait pu se faire au premier abord. St. Vincent aura tenté de livrer une version nouvelle de son art. Et elle relève le défi haut la main, malgré quelques trébuchements. J’avoue ne pas savoir à quoi je devais m’attendre, mais j’ai aussi été très agréablement surpris. L’artiste livre ici un album puissant, frappant de douceur et de vulnérabilité, qui revisite de manière efficace et fort peu attendue ses titres. Pour des moments agréables et calmes, au pied du chauffage ou au coin du feu, sous un plaid.