A l’occasion de leur concert parisien du The Bastards Tour, nous avons rencontré le groupe Palaye Royale quelques minutes avant d’aller sur scène. Retour sur cet échange profond avec le batteur Emerson Barrett.
Rencontre avec Emerson Barrett, batteur de Palaye Royale
La foule est nombreuse lorsque j’arrive devant La Maroquinerie de Paris. En ce samedi 29 février, la salle accueille le groupe américain de glam-rock Palaye Royale dans le cadre de leur tournée intitulée The Bastards. Un curieux nom qui est représentatif d’ un nouveau chapitre qui s’ouvre pour le groupe. Il véhicule également un message clé que souhaite véhiculer les trois frères auprès de leurs fans, les Soldiers of the Royale Council, et de la société.
Emma : Merci beaucoup Emerson de m’accorder un peu de ton temps aujourd’hui. C’est super de te rencontrer car cela fait un petit temps que je suis Palaye Royale et pour dire, depuis l’ère de Kropp Circle ! Ca fait un bail.
Emerson : Oh vraiment ? Wow, t’as grandi !
Emma : Oui en effet.
Emerson : J’avais quoi… 11 ans à l’époque de Kropp Circle. J’ai 23 ans maintenant.
Emma : Un peu plus d’une décennie s’est écoulé, c’est fou. En premier lieu, félicitations pour le The Bastards Tour. Pourquoi The Bastards ?
Emerson : Nous étions en tournée en début 2019 avec un groupe dont les fans nous appelaient les little bastards, nous et nos fans. Et au lieu de le prendre comme une attaque on le porte aujourd’hui comme une armure : « Je suis un little bastard« .
Emma : D’accord ! C’est une tournée très condensée pour vous. Vous jouez ce soir à Paris qui est la plus royale des villes européennes mais aussi dans l’une des salles de concert les plus rock, La Maroquinerie.
Emerson : Tout à fait.
Emma : C’est une belle évolution pour vous car vous faites beaucoup de concerts, vous sortez beaucoup de nouveaux titres… Quelle est la chose dont vous êtes le plus fier aujourd’hui en tant que groupe ?
Emerson : Je pense par rapport à la relation que nous avons su créer avec nos fans. C’est vraiment une famille, même si on joue devant 100 ou 1000 personnes, la minute où l’on fini notre show on va voir nos fans pour aller les remercier, échanger avec eux car on ne serait rien sans eux et on le sait. On est tellement reconnaissants car ils nous acceptent pour ce que nous sommes, et on les accepte tels qu’ils sont.
Emma : C’est vrai car depuis que je vous connais, vous cultivez une réelle proximité avec vos fans. C’est même je dirais essentiel à Palaye Royale.
Emerson : Tout à fait, on dirait un culte amical (rires). Un culte de l’amour. Je pense que jusqu’à présent le plus grand moment de ce tour c’est Amsterdam. Il y a toujours quelque chose d’incroyable avec cette ville. La dernière fois que j’y ai joué je me suis fait plusieurs tatouages. Amsterdam vit dans ma peau mais aussi dans mon coeur.
Emma : D’ailleurs, prenez-vous le temps de visiter les villes dans lesquelles vous jouez ?
Emerson : J’ai passé beaucoup de temps à Paris même avant cette tournée. On a d’ailleurs réalisé un court-métrage basé sur la Bible en particulier le passage du premier meurtre avec Cain et Abel. J’ai tué Remington, c’était un beau spot pour faire ça (rires). On a été pour ça au Mont Saint-Michel et au château de Chambord. Et c’était super.
Emma : D’accord, cela fait partie des moments que vous pouvez prendre pour vous relaxer. Qu’est-ce que vous faites d’autre afin de vous recentrer sur vous-mêmes ?
Emerson : Nous sommes en tournée depuis 4 ans maintenant. Nous étions comme des SDF et on a tourné pendant 4 ans, nous n’avions pas d’endroit où aller on continuait. Et après nous avons pris 4 mois en off, c’était vraiment bizarre pour nous 3 car on ne savait pas vivre autrement qu’en tournée. Donc être de retour c’est vraiment super et je pense que c’est notre maison. Je ne sais pas ce que ça fait de prendre des vacances, je ne sais plus ce que c’est d’être calme maintenant. Mais je sais toujours créer de l’art, mon art. Toute ma vie a été un projet artistique en soi !
Emma : Tout à fait, et on ressent que l’aspect esthétique est important pour Palaye Royale. D’ailleurs, la description du groupe sur Facebook dit que vous représentez un mouvement artistique nouveau. Penses-tu que la création autour d’un univers entier et créer une expérience est quelque chose d’important pour les artistes et groupes d’aujourd’hui ?
Emerson : Oui je pense, ça a toujours été mon rôle d’ailleurs dans ce groupe. C’est d’aller plus loin que la musique, beaucoup de mon inspiration vient de My Chemical Romance. Cela ouvre cette porte pour les groupes d’être nos propres fans et d’être acceptés. Les sept dernières années, depuis qu’on a commencé avec « Morning Light », j’avais ce concept de créer des vidéos pour nos chansons très visuelles basées notamment sur le comic book que j’ai écris avec une de nos fans. Nous avons travaillé pendant 1 an et demi. Cela a été très important pour moi de créer cet univers alternatif afin que notre fanbase puisse s’y réfugier et plonger. Parce que j’ai créé ce monde pour échapper à celui dans lequel on vit actuellement. Pour moi d’être là, je devais créer cette réalité alternative et je vis actuellement dedans et une fois que l’on sort le comic book ça ouvre les portes de ce monde pour tous les fans. C’est encore particulier car je suis tout seul dans ce monde pour le moment, mais j’ai hâte de le faire découvrir car ce monde peut vraiment être horrible. C’est de pire en pire et c’est facile de se concentrer seulement sur le négatif, ça te prend ton énergie et toute la pureté qui peut résider en chacun de nous. Avec aussi les réseaux sociaux, les téléphones, ça a tendance à te transformer en une personne que tu n’es pas et c’est la pire chose. Et tout ce mouvement de The Bastards et les masques à gaz représentent cette idée de se protéger et rester vrai à ta réalité. Car c’est un monde toxique.
Emma : Absolument. Cela m’amène à ma prochaine question car en octobre dernier lorsque vous avez sorti « Hang On To Yourself » vous avez énoncé le début d’une nouvelle ère pour Palaye Royale. Donc ça suit cette idée de rébellion, de créer quelque chose qui n’est pas lié à notre monde actuel.
Emerson : On doit vraiment se protéger car on a cette énergie en nous, notre conscience, notre amour. Et si on se concentre sur ces éléments, le monde peut être meilleur et nous pourrons être meilleurs aussi en tant qu’individus. C’est d’ailleurs ce qui entoure notre fanbase qui est pleine d’amour, nous devenons vraiment émotionnels certains soirs car on prend du recul on se dit « Wow c’est ce qu’on voulait faire et on le fait aujourd’hui ». C’est beau de voir ça et c’est le pouvoir des rassemblements, de la solidarité. Si tu crois vraiment en quelque chose et que tu veux cette chose en particulier, bah fonce et tu l’auras. Il faut croire en nous.
Emma : Merci pour ça c’est très important.
Emerson : C’est normal, il y a peu de gens qui peuvent t’élever aujourd’hui. Quand nous étions en train de grandir, il n’y avait pas vraiment de personne qui nous aidait ou d’essayer de nous guider. Ils essayaient plutôt de nous blesser. Et notre position aujourd’hui nous permet d’aider les autres. Un journal va bientôt sortir, une nouvelle version d’un journal que j’ai fait il y a 3 ans. On y montre des travaux de nos fans et artistes, de la poésie, de l’art, de la philosophie et je pense que c’est important de donner une plateforme à tous ces artistes afin qu’ils puissent s’exprimer afin que leur travail soit apprécié. Parce que le monde d’aujourd’hui ne fera pas ça mais ce groupe oui.
Emma : Je vois, les fans peuvent s’appuyer sur vous.
Emerson : On essaie (rires).
Emma : Comme tu as dit, c’est un monde où résident beaucoup de fléaux aujourd’hui. Penses-tu que votre musique représente aussi une nouvelle forme de rébellion ?
Emerson : Bien sûr. Nous sommes d’ailleurs un groupe de rebelles. Je pense que notre message le plus important n’est pas forcément la rébellion pour mener à de la violence, mais de se rebeller pour se protéger. Cet espace qu’on a créé pour nos fans leur a permis de rencontrer des amis, des personnes avec qui échanger. On a un couple d’ailleurs qui s’est rencontré à l’un de nos concerts et qui a eu un enfant ensemble !
Emma : C’est génial !
Emerson : On créé la vie en quelque sorte. Cela représente beaucoup pour nous.
Emma : D’ailleurs venons à vos fans, ils sont très fidèles et peuvent être sauvages pendant votre show qui l’est aussi à dire vrai ! Quelle est la chose la plus folle qu’un fan est faite pour vous que ce soit pendant un concert ou en dehors ?
Emerson : Hum… A Amsterdam il y a eu des mosh pits à chaque chanson. Voir ça arriver c’était super cool, c’était pas un mosh pit où les gens essayaient de se violenter les uns les autres mais ils s’amusaient vraiment comme dans Sugar Rush. Remington a des ondes un peu démoniaques, il lui arrive de monter et grimper sur les amplis, les rideaux lorsqu’on est sur scène et c’est de cette manière qu’il arrive à exprimer toute cette énergie et cette volonté de sortir de ce monde. Je peux dire que pour les fans qui viennent, c’est un lieu pour vraiment arrêter de penser au monde extérieur, d’oublier les problèmes qu’ils peuvent avoir, on est là et tu peux être heureux, sourire… C’est beau de voir tous ces sourires et le show finit et on doit revenir à la vie.
Emma : … Et puis refaire ça dans une autre ville etc (rires).
Emerson : (rires) Voilà. D’ailleurs demain je fais un pop up store à Paris, je l’ai fait à Londres ainsi qu’à Amsterdam. C’est près du Louvre et de l’Opéra. J’y montre mes oeuvres ainsi que tout le projet artistique que je mène en ce moment autour du groupe. Que ça soit par les vêtements, les bijoux…
Emma : D’accord, super ! Tu y seras ?
Emerson : Oui ! Ca se passe de 15h à 18h demain. Et c’est gratuit et tout le monde peut venir !
Emma : Vous avez sorti pas mal de musique avec plusieurs EPs et albums. Votre tournée bat son plein, quelle est la suite pour Palaye Royale ?
Emerson : Il va y avoir un nouvel album, on a pas encore la date précise de sortie encore. Mais on va faire une tournée américaine en mai. Et après la sortie de l’album, un mois après, on va sortir une nouvelle graphique. Je crois qu’on va repartir sur une tournée mondiale, on va revenir par ici avec toutes les nouvelles chansons. C’est une chance de jouer les anciens titres et les nouveaux, c’est ce que l’on fait en ce moment et après, quand ce sera l’ère The Bastards, on reviendra qu’avec des nouveaux titres. Et on va continuer de créer de la musique entre frères et continuer de sillonner les routes car c’est ce qu’on connaît le mieux aujourd’hui (rires).
Emma : Vous prenez un peu de temps pour écrire pendant votre tournée, ou vous faites les choses séparément ?
Emerson : Oui on a beaucoup d’inspiration en tournée, je dessine beaucoup en tournée d’ailleurs. On a fait le court-métrage au Mont Saint Michel et j’étais complètement attentif. J’étais avec mon camarade qui nous filme actuellement (montre Michael). On tourne tout ensemble, on a tellement de projets ensemble. Et le court métrage m’a vraiment hanté et la première semaine de la tournée je n’ai pas arrêté de dessiner. J’étais d’ailleurs irrité par tout le monde ! D’ailleurs on a le meilleur crew du monde, et j’étais super agité. Et le dessin et l’écriture c’est de la thérapie pour moi. Après l’interview je vais aller dessiner d’ailleurs (rires).
Emma : D’accord alors une dernière question et je te laisse aller dessiner ! C’est une question spéciale car je vous suis depuis pas mal d’années et je me suis toujours demandée ce qui s’était passé lorsque vous avez changé votre nom Kropp Circle pour aller sur Palaye Royale. Et prendre une nouvelle dimension artistique. Quelle a été votre réflexion ?
Emerson : C’est une bonne question car je n’en parle pas beaucoup. C’était toujours amené lorsqu’on nous en parlé dans un aspect drôle, une façon un peu irrespectueuse. Et j’étais jeune quand on faisait Kropp Circle, j’avais 11 ans et la perspective de créer de la musique et de l’art c’était vraiment ce qui me bottait. Et à cet âge tu as deux options qui s’offrent à toi : soit tu vas à Disney, soit à Nickelodeon. On a choisi Disney et on a fait ça un petit moment. Nous avons eu pas mal de succès à ce moment là, mais c’était pas vraiment vrai pour nous. Mais on a perçu Disney comme étant ce business qui transforme des enfants en des produits commerciaux, avec des managers, des agents qui prenaient toute ton énergie. On a atteint ce point et on s’est dit qu’on aimait pas ça. Je sentais qu’en continuant de la sorte je n’allais plus réussir à être créatif, les gens nous volaient de l’argent, ils voulaient tous de toi et on a décidé de tout quitter. On avait pas vraiment de plan B dans lequel on continuait la musique, et puis on a pris une année off et c’est là que je me suis trouvé ce qui a du à plusieurs moments un peu traumatiques que j’ai vécu dans ma vie. Et je suis devenue cette personne, et c’est comme ça on a changé. J’ai arrêté l’école, j’ai commencé à dessiner et c’est comme ça que c’est arrivé et que toute cette passion de créer de la musique, de l’art et cette relation avec nos fans ont suivi. C’est ce pourquoi nous sommes très têtus aujourd’hui, car on a créé ces murs et si tu n’en as pas, tu es dépouillé. C’est un peu ce qui se passe dans le monde d’aujourd’hui en particulier dans l’industrie musicale. Donc on fait notre meilleur pour rester nous-mêmes et si on sent que des gens prennent le dessus, on va disparaître et revenir plus forts.
Le groupe a publié sur Youtube notre interview en son entièreté (attention c’est en anglais !), vous pouvez la retrouver ici :