Mes recueils de poésie préférés lus en 2023
9. Ma maison en fleurs – Pauline Bilisari
ma psychologue m’a demandé
pourquoi tout cela m’atteignait tant
pourquoi la carrière dont je rêvais
ses aléas, ses contingences
semblaient avoir tout dévasté
de ma vie
ma poésie
mes rêves
mon sommeil
et ma santé
et j’ai fondu en larmes en lui répondant
que mon art était tout ce que j’avais
la seule et unique chose que j’étais
et que si l’on venait à me l’ôter
il ne me resterait rien
seulement un corps et un esprit meurtris
esclaves d’un art qui se désagrège
8. The sun and her flowers – Rupi Kaur
Entre nous, j’ai du mal avec le nom Rupi Kaur, le fait de le voir partout. Bien qu’elle est remis ce genre d’écriture contemporaine au goût du jour, elle n’est pas la seule et pourtant, on a tendance à parfois l’oublier. Quand on demande de la poésie dans les librairies, on nous dirige généralement vers ses recueils, quel dommage. Cela reste incroyable pour cette artiste qui a su se libérer grâce à son art et se faire une place dans sa passion et évidemment, ça subsiste mon avis et ne m’empêche pas de consulter ses ouvrages.
Comme je le disais, je ne suis pas friande de la poésie de nos jours. Les vers anciens, qui riment, sont mon petit péché mignon au contraire de ceux qui sont libres. Cependant, je ne m’avoue jamais vaincu et j’ai voulu lire encore une fois l’œuvre de la poétesse avec cette fois, The sun and her flowers.
J’ai été contente de me rendre compte que pour une fois, un recueil de cette écrivaine m’a plu ! Et, il a fallu des fleurs pour tordre mon cœur. J’ai l’impression qu’elle a évolué dans son genre de rédaction et que sa poésie glisse sur le papier. Maintenant, j’attends le prochain pour pouvoir me faire une vraie idée de mon admiration ou ma détestation de Rupi Kaur.
beaucoup ont essayé
mais n’ont pas réussi à m’attraper
je suis le fantôme des fantômes
partout et nulle part
je suis des tours de magie
dans la magie dans la magie
nul n’y est arrivé je suis un monde enveloppé dans des mondes
replié dans des soleils et des lunes
tu peux essayer mais
tu ne vas pas m’attraper
7. Le marché aux fleurs coupées – Sarah-Louise Pelletier-Morin
En voyant ce livre dans la librairie Un livre et une tasse de thé, j’ai eu un coup de cœur et je me suis jetée dessus. Je pensais qu’il était le recueil dont j’avais tant rêvé, les étoiles plein les yeux, il a été impossible pour moi de lire vraiment le résumé.
Pour ces raisons, quand j’ai commencé ma lecture le lendemain, j’ai été terriblement déçue et je ne comprenais pas pourquoi mon cerveau m’avait joué des tours. Ce n’était pas du tout ce que je fantasmais et j’ai eu du mal à rentrer dans l’ouvrage durant les premières pages.
Une fois que j’ai fait mon deuil de ce recueil, quelle surprise ! J’ai adoré la plume de Sarah-Louise Pelletier-Morin autour de son marché aux fleurs coupées. Les fleurs faisant partie d’un des thèmes que j’aime le plus en écriture, vous l’aurez deviné. Lors de ma lecture du dernier texte, je tourne la page et je me rends compte que le livre est terminé. Je l’ai dévoré, comme une fleur décoratrice dans une assiette, curieuse du goût qu’elle va m’apporter.
Je n’ai jamais su quand jeter un bouquet. On devrait le savoir, intuitivement. Il me semble toujours trop tôt pour mettre des fleurs à la poubelle, comme s’il y avait dans ce geste un refus d’accompagner le végétal jusqu’à sa fin. J’attends donc le stade où les tiges moisies dégagent une odeur funeste qui embaume tout mon appartement, ce moment où le bouquet tend vers la forme la plus étrangère à sa beauté originelle. J’aime voir le végétal se décomposer sous mes yeux, perdre sa chlorophylle, abandonner un à un ses pétales.
Les fleurs séchées me bouleversent.
6. Ariel – Sylvia Plath
Ma fascination pour cette femme, dont je ne connaissais que par les paroles de ma copine, a commencé à s’élever. J’ai laissé ça dans une case de mon esprit, pour que le jour où je me sente prête, j’ouvre mon premier ouvrage de Sylvia Plath.Et ce moment s’est présenté en 2023, avec Ariel. J’ai voulu débuter avec un recueil qui puisse se lire rapidement, pendant mes vacances d’été, durant lesquelles je suis seule, coupée du monde. Un cadre idéal pour me plonger dans l’univers de cette personnalité au destin terrible.
Ariel m’a mangé, m’a décontenancé, m’a comprimé le cœur. À tel point que mes pensées ont oublié la plupart de cette lecture, devant vraiment cherchée dans mes souvenirs pour retrouver les mots que j’ai le plus appréciés. Une sensation que j’ai rarement ressentie lors d’une lecture.
Un moment de stase dans l’obscurité.
Puis l’irréel écoulement bleu
Des rochers, des horizons.
Lionne de Dieu,
Nous ne faisons plus qu’un,
Pivot de talons, de genoux! — Le sillon
S’ouvre et va, frère
De l’arc brun de cette nuque
Que je ne peux saisir,
Yeux nègres
Les mûres jettent leurs obscurs
Hameçons —
Gorgées de doux sang noir —
Leurs ombres.
C’est autre chose
Qui m’entraîne fendre l’air —
Cuisses, chevelure ;
Jaillit de mes talons.
Lumineuse
Godiva, je me dépouille —
Mains mortes, mortelle austérité.
Je deviens
L’écume des blés, un miroitement des vagues.
Le cri de l’enfant
Se fond dans le mur.
Et je
Suis la flèche,
La rosée suicidaire accordée
Comme un seul qui se lance et fonce
Sur cet œil
Rouge, le chaudron de l’aurore.
5. Très haut amour : Poèmes et autres textes — Catherine Pozzi
Après des mois à chercher son livre en librairie, car oui je suis le genre de personne têtue qui ne commande pas les ouvrages, mais pense qu’en tombant par hasard dessus, c’est un signe pour l’acheter. Évidemment, après des mois, j’ai oublié mes investigations jusqu’au jour où j’ai pris la décision d’aller effectuer un tour dans la médiathèque près de chez moi.
Rayon poésie, il brille de mille feux devant mes yeux, le Très haut amour : Poèmes et autres textes de Catherine Pozzi. Je m’empresse de le réserver, de peur de me le faire voler. Je suis seule dans le rayon, cela n’allait pas arriver.
Une fois chez moi, je le dévore, ne pouvant m’arrêter de noter mes vers préférés, comprendre le sens des mots de Catherine. Je n’ai qu’une envie, imaginer autour de sa poésie, coller des choses. M’a-t-elle inspiré mes premiers collages créatifs ? Je n’en suis pas sure, mais elle a contribué à renouer avec mes arts et pour ça, j’en serais éternellement reconnaissante.
Je descends les degrés de siècles et de sable
Qui retournent à vous l’instant désespéré
Terre des temples d’or, j’entre dans votre fable
Atlantique adoré.
D’un corps qui ne m’est plus que fuie enfin la flamme
L’Âme est un nom chéri détesté du destin –
Que s’arrête le temps, que s’affaisse la trame,
Je reviens sur mes pas vers l’abîme enfantin.
Les oiseaux sur le vent dans l’ouest marin s’engagent,
Il faut voler, bonheur, à l’ancien été
Tout endormi profond où cesse le rivage
Rochers, le chant, le roi, l’arbre longtemps bercé,
Astres longtemps liés à mon premier visage,
Singulier soleil de calme couronné.
4. La chambre sans murs – Morgane Ortin
Ce n’est pas un secret, j’adore le travail de Morgane Ortin. Vous pouvez le voir sur ma page Patreon avec de nombreux défis d’écriture en rapport avec ceux qu’elle propose sur ses propres réseaux sociaux. Alors quand elle a annoncé la sortie de ce premier recueil, La chambre sans murs, je me suis jetée dessus pour l’ajouter à ma collection romantique.
À peine entre mes mains, je me suis installée pour le feuilleter sans réussir à le lâcher jusqu’à la dernière page. Les messages de l’artiste me touchent alors que les vers libres ne sont pas ce que je préfère habituellement. Mais, elle arrive à me faire désirer la poésie contemporaine au point d’être comme envoutée par ses écrits.
Bien que je n’ai pas la même qualité de plume, Morgane parvient à me bouleverser, ses poèmes me parlent, je me reconnais dans ses lignes. Je n’ai qu’une attente, avoir la date d’un prochain ouvrage poétique de la part de cette fondatrice des mots.
La maison que j’habite est traversée de solitudes
qui s’encombrent puis qui craquent
j’y entre le soir sans en être sortie
de la journée
tout vient à mon dîner, à ma tablée
et lorsque je crie, c’est un chuchotement
qui apparaît
j’habite la maison silencieuse
aux murs délavés
aux volets qui appellent la lumière
sans jamais la narguer
3. Soft Thorns – Bridgett Devoue
Depuis un moment, je voyais ce recueil dans la bibliothèque de mon amie Jessica. Attirée par le nom, Soft Thorns et sa couverture envoutante, je lui ai demandé de me le prêter avant son déménagement. Si j’avais su, je l’aurais fait bien avant !
Bridgett Devoue a elle aussi réussi à me fasciner par ses vers poétiques, liés à un amour déchiré. C’est comme ça que j’observe son écriture, la torture de la beauté, ce que je souhaite retrouver dans l’art de la poésie.
Lors de ma lecture, que j’ai beaucoup appréciée, je suis restée bouche bée devant certains passages du livre, voulant l’annoter, le plier, le décorer. Des mois plus tard, quelques recueils lus en plus, je me demande s’il aurait de nouveau le même effet sur moi, donc je préfère garder ce splendide souvenir dans mon esprit.
those who don’t believe in ghosts
have never had a broken heart
2. Le marché aux elfes – Christina Rossetti
Second chef-d’œuvre que j’ai pu trouver dans la médiathèque que j’ai déjà évoquée plus haut, Le marché aux elfes de la mystique Christina Rossetti. Ayant lu le livre Je serai le feu de Diglee, je voulais absolument identifier cet énigmatique œuvre poétique de l’artiste.
J’ai été surprise par sa grandeur, pensant découvrir différents poèmes et finalement faire face à une longue histoire en vers, rempli de métaphores. Sublime composition de la visionnaire, qui m’a émue, remuant les souvenirs que j’avais pu me faire lors de voyages en Bretagne. Les korrigans, les elfes et diverses créatures qui m’ont fasciné petite.
Christina Rossetti a cette douleur et cette puissance dans sa plume que j’adore; mêlant brume et fantômes, la poétesse est multiple et complexe. J’espère qu’elle sera remise en valeur autant que d’autres femmes du XIXe siècle.
Après la mort
Les rideaux étaient mi-fermés, le sol semé
De brins de paille, et romarin et aubépines
Épaississant le lit où j’étais allongée.
Le lierre m’ombrageait d’une dentelle fine.
Il se pencha sur moi, croyant que je dormais
Et ne l’entendais pas ; mais moi je l’entendis,
« Pauvre enfant, pauvre enfant. » Comme il se retournait,
Je compris qu’il pleurait. Un silence se fit.
Jamais il ne toucha le linceul, ni le drap
Qui voilait mon visage. Il ne prit pas ma main,
Il ne dérangea pas le coussin lisse et blanc.
Vive, il ne m’aimait pas. Mais morte maintenant,
Je lui faisais pitié. Et je me sentis bien
De le savoir si chaud près de mon corps si froid.
1. Le Carnet Noir — William Huet-Leroy
Dans Le Carnet Noir, William Huet-Leroy réussit à manier les mots de manière gothique et poétique. J’ai voyagé dans les ténèbres du poète, l’âme vibrante, les papillons dans le ventre, le sourire aux lèvres, les yeux brillants. Je n’ai pu m’empêcher de corner chaque page, d’y souligner chaque vers, dessiner dans les marges, mettre des cœurs quand un poème m’a ouvert les entrailles.
Dans ma folie, j’en ai acheté plusieurs exemplaires, pour les distribuer, les décorer, les découper, les sublimer. Cet ouvrage m’a donné l’envie de créer et a fait ressortir du fond de ma cage thoracique, la puissance de mon art qui s’y était caché durant des années. Il est le livre de poésie que j’ai préféré en 2023 et pas que…
In memoriam
Dans le jardin des roses mortes
Le soir flânent des airs anciens
Ils ressemblent à des eaux-fortes
Gravées par de vieux musiciensIl n’y a jamais de silences
Là où les roses ont péri
On y murmure des absences
Qui quelquefois semblent un criVous ne trouverez pas de tombe
Dans ce jardin sans testament
Un vieux saule qui le surplombe
Fait office de monumentLe vent dans ses feuilles chuchote
Un mot perdu un nom désuet
Et le passé sans fin tricote
Dans la nuit leur souvenir muetAu sein du jardin les fantômes
Des fleurs fanées sont les gardiens
Évanouis dans leurs royaumes
Ils y sourient aux airs anciens
Et toi, quel est le livre de poésie que tu as préféré lire en 2023 ?
2 Commentaires
Très bon article, bravo pour le courage que tu as eu
Merci beaucoup!!!